Vous trouverez l’enregistrement vidéo de ce sermon sur ici.

Je prie pour le silence et pour les paroles qu’ils souhaitent exprimer/ Que leurs paroles fassent exploser les hauts parleurs et nous entrainent vers de nouveaux sommets / …/ Je prie pour ceux d’entre nous qui avons des orages dans le cœur, des tornades dans l’esprit et des séismes dans l’âme/ Car les conditions climatiques ne sauraient nous arrêter, il nous reste encore beaucoup à faire.

Veuillez vous asseoir.

Je peux probablement compter sur les doigts d’une seule main le nombre de fois où j’ai décroché le téléphone et parlé à quelqu’un qui ne fait pas partie de ma famille ou de mes amis proches. Je peux toutefois compter le grand, très grand nombre de fois où j’ai raté des appels, où l’on m’a laissé des messages sur répondeur, où je n’ai pas vérifié ces messages et où je les ai laissés sur le répondeur pendant un certain temps. Si bien que lorsque j’ai reçu un texto de Michael Hunn disant qu’il m’avait laissé un message, j’ai vérifié mon répondeur, rempli de messages d’anniversaire et d’appels aux dons de sang, et son message était là. Michael Hunn du bureau de l’Évêque Primat m’avait appelé et j’avais raté l’appel. Pour être franc, je savais que j’avais déjà rencontré Michael mais je ne savais pas vraiment qui il était ni quel était son poste. Alors j’ai demandé à mes parents : « Vous savez que Michael Hunn du bureau de l’Évêque Primat m’a appelé » et on connait la suite. Lorsque Michael m’a offert cette opportunité, je me suis senti honoré et complètement ébahi mais j’aimerais profiter de cette occasion pour adresser mes remerciements à l’Évêque Primat Curry, au Révérend Chanoine Michael Hunn, au Révérend Chanoine Anthony Guillen et au Directeur de la formation Bronwyn Clark Skov. Ces personnes m’ont placé ici devant vous tous aujourd’hui et je ne peux me sentir plus honoré que me soit donné cette opportunité.

En lisant les prières et les lectures pour aujourd’hui, sept mots m’ont frappé. Sept. Sept mots qui peuvent tout simplement résumer ce que, de mon point de vue, doit être l’Église épiscopale, ce que je pense qu’elle peut être. Lors de la collecte aujourd’hui, nous avons entendu les mots : « unis les uns aux autres en pure affection ».  Les deux derniers mots me sont apparus particulièrement forts, les mots : « pure affection ». Ces mots me remettent en mémoire tellement de souvenirs et de pensées, au premier chef l’histoire de mon expérience au sein de l’église. Je voudrais ce matin partager avec vous trois des souvenirs que m’apportent ces mots.

Pour ceux d’entre vous qui avez eu l’occasion de visiter le Centre de conférences de Kanuga, vous connaissez la beauté et la spiritualité de ce lieu. Vous connaissez le froid matinal et la vue du lac, les chants d’oiseaux et le bruissement des feuilles. J’ai été deux fois à Kanuga, une fois lorsque j’avais 10 ans, j’y suis allé avec ma famille pour assister au Nuevo Amanecer, une conférence du ministère latino pour toute l’église. Mais c’est ma plus récente visite qui a eu le plus d’impact de toute ma vie. En février 2017, à l’âge de 16 ans, je suis arrivé à Kanuga après une absence de près de sept ans, cette fois comme membre de l’équipe de planification de l’Événement des jeunes de l’Église épiscopale (EYE). Une fois sur place, je me suis souvenu de la paix et du pouvoir de la nature de calmer et d’enrichir mon expérience. Lorsque j’étais en chemin, j’apportais la dernière touche à ce qui allait devenir la Prière de l’Eucharistie de clôture d’EYE 17 à Oklahoma City. Dans la chapelle de Kanuga, l’équipe de Liturgie et Musique et moi-même avons répété la Prière d’Eucharistie de clôture avec le reste de l’équipe. Pour le sermon, les quatre jeunes de l’Équipe Liturgie et Musique ont chacun à leur tour expliqué au groupe ce que signifiait pour chacun la Voie vers la paix. Je pense que ma réponse a changé depuis mais le sentiment est resté sensiblement le même. À ce moment là, ma voie vers la paix était un chemin que je devais parcourir pour me sentir bien avec moi-même ainsi qu’avec mes actions et interactions dans le monde. Je pense qu’à présent cela a changé. Je crois que plus que mes interactions avec le monde, j’ai changé de cap pour me concentrer et apprécier les relations que j’ai avec les gens, leur histoire, leurs manières, la poésie dans leurs émotions et les bienfaits de la connexion.

Mais ce n’est pas de mon message de ce soir là dont je veux vous parler maintenant. Ce dont je veux vous parler est la façon dont ce message a été reçu par mes camarades dans cette chapelle. Je veux vous parler de la pure affection que j’ai vu le groupe nous donner après avoir partagé avec eux notre création que nous léguons à EYE. Je me souviens avoir dit la paix que je ressentais avec chaque jeune et chaque adulte de l’équipe, et la fierté  et l’amour que je recevais en raison de ce que j’avais à dire. Je me souviens de Valerie Harris qui, en montrant l’autel, m’a dit que c’était là ma place, ajoutant qu’elle voyait en moi quelque chose de plus dont je n’étais pas encore conscient. Bon, je ne suis pas d’accord mais à cet instant j’ai senti que j’étais aimé dans cette église et dans cette communauté.

Ce que j’ai oublié de mentionner des moments que j’ai passés à Kanuga, est que c’était la première fois que je récitais mon poème parlé Alabanza. En fait, les deux premières phrases que j’ai dites au début du sermon sont tirées de ce poème. Ce poème est l’aboutissement de mon année passée avec l’équipe de planification d’EYE – depuis notre premier voyage au Monument à la mémoire de l’attentat d’Okhahoma City jusqu’au moment où j’étais sur la scène à l’University of Central Oklahoma, contant à EYE ce récit que j’avais créé. C’était à la fois émouvant et impressionnant d’entendre les gens m’applaudir et m’encourager pendant que je parlais mais ce dont je me souviens plus que tout c’est ce qui s’est passé juste après que je sois descendu de la scène après avoir récité Alabanza une dernière fois. Je me souviens de ma sœur, qui est la raison pour laquelle je me suis inscrit à l’équipe de planification. Je me souviens comment elle m’étreignait alors que je pleurais des larmes de joie, d’épuisement et de fierté. Je me souviens comment ma famille de l’équipe EYE s’est approchée de moi alors que j’essuyais mes larmes et que j’en versais de nouvelles. Je me souviens de la délégation de Hawaï qui s’est approchée pour me donner un livre de prière écrit en hawaïen et un collier lei qui est toujours accroché au mur chez moi. Je me souviens du moment où j’ai entendu que mes paroles inspiraient les autres, une fois que nous avions tous quitté l’Oklahoma et que j’ai entendu mes paroles répétées dans le Minnesota. C’était une manifestation à vif et très réelle de pure affection, que l’on m’a montrée lorsque j’en avais le plus besoin.

Lorsque j’entends le mot affection, je pense aux enfants, et maintenant que le chien Zach est ici, je pense aux chiens aussi. Je pense aux enfants et à leur capacité d’aimer toute chose et toute personne avec qui ils entrent en contact. Je pense à l’amour entre parents et enfants. Aujourd’hui, cet amour me fait penser aux familles qui me ressemblent et qui doivent passer par les méandres d’un système judiciaire conçu pour qu’ils ressentent la peur et l’oppression. Aux enfants à la peau brune qui sont détenus dans des camps d’internement moderne en raison de leur nationalité, de leur latinité et de leur teint de peau. Les gens voient les actions de nos nouveaux dirigeants et regardent horrifiés et bouleversés ; ils emploient pour les décrire des mots comme anti-américain. Permettez-moi de ne pas être d’accord. Si nous voulons rectifier ces actions, nous les Américains devons assumer la réalité de notre histoire, une histoire fêtée avec des feux d’artifice il y a quelques jours seulement. Comment notre agriculture a été développée et nos villes construites par des noirs, comment notre premier président, ce révolutionnaire, possédait des esclaves hommes et femmes. Comment le président à qui l’on a attribué la libération des esclaves, avait aussi fait exécuter 38 Dakotas qui protégeaient leurs terres ancestrales. Comment le gouvernement a séparé de leur famille les enfants latinos et autochtones par le biais de pensionnats et du Rapatriement mexicain. Comment le pays de la liberté et du courage est le pays des incarcérés et des colonisateurs. Comment nous avons nié aux gens de couleur leur humanité au nom de la peur blanche. Cette nouvelle manifestation de la peur blanche n’est que l’épisode le plus récent d’une longue histoire de racisme et de violence américains. Nous refusons notre liberté affichée aux Latinos qui traversent des frontières artificielles, pourquoi ? Parce qu’ils avaient des colonisateurs différents ? Parce que leurs racines et branches autochtones ne peuvent pas être retirées de la culture ? En ce moment même, les dirigeants de notre église sont en train de visiter le Centre de détention d’immigrants Hutto à 40 minutes d’ici. Je les applaudis et j’espère que les mentalités changent et que les gens soient motivés à apporter un changement. Un homme bon m’a dit une fois que le meilleur travail provient d’un sentiment de colère. Alors je dis, que notre colère apporte la justice et qu’elle puisse apporter la paix à toutes ces familles latino qui voient leurs enfants détenus en cage par les agents d’immigration (ICE). Que notre colère essuie les larmes sur ces visages bruns et que puisse démarrer un processus de démantèlement des institutions xénophobes qui continuent de prospérer. Que notre colère inspire et qu’elle puisse créer quelque chose de nouveau.

Mon père m’a raconté l’histoire de son père. Mon grand-père était un homme suffisamment courageux pour venir depuis Mexico jusqu’ici. Il nous a raconté que son père vivait dans la crainte de la police migratoire ici et dans la crainte de la pauvreté chez lui. Ma grand-mère, ma Nana, a traversé le même désert pour suivre son mari. Elle l’a fait pour leurs trois enfants, pour qu’ils aient une meilleure vie que celle qu’elle pouvait leur offrir au Mexique. En tant que Chicano, je remercie mon père et mes grands-parents pour le courage qu’ils ont eu de traverser cette frontière à la recherche d’opportunités, opportunité économique, opportunité en matière d’éducation et opportunité sociale pour moi et ma sœur. Et en tant que Chicano, voir ces familles souffrir aux mains d’ICE et de la peur nativiste me rend furieux parce que je sais d’où je viens.

Je suis un produit de l’unité par le biais de l’oppression, de l’alcoolisme et de l’étranger.

Je suis un enfant de la révolution et des aventuriers qui ont bravé les déserts et les déploiements militaires.

Je suis à des millions de pas de la pauvreté jusqu’à une promesse non tenue d’opportunité.

Je suis un astronaute désireux de libérer les enfants de leur cage pour les emmener vers l’aventure au milieu des étoiles dont nos ancêtres nous contaient les histoires, pour leur montrer le lieu où la tierra se courbe et que le ciel et la mer s’incurvent l’un vers l’autre comme la lune et les étoiles.

Je le suis et ils le sont aussi. Et nous sommes ici pour y rester.

Et peut-être que vous n’aimez pas ce que j’ai à dire. Peut-être que vous me voyez comme un autre de ces jeunes à peau brune en colère qui n’ont pas leur place pour parler à l’église de cette façon. Mais si vous lisez les écritures saintes pour aujourd’hui, si vous écoutez ces textes, vous verrez que c’est notre vocation. Ézéchiel déclare : « Qu’ils l’entendent ou qu’ils refusent de l’entendre…ils sauront qu’il y a un prophète parmi eux ». Attention, je ne pense pas être un prophète mais on m’a donné cette occasion fantastique de parler à cette église, de parler en tant que jeune chicano, personne de couleur, qui voit cette église et voit ce qu’elle peut être. Nous devons être disposés à nous changer nous-mêmes et à changer nos institutions si nous voulons changer le monde.

Dans ses mauvaises périodes, cette église m’a causé stress et déception, et l’année dernière j’ai été mis au défi de réexaminer comment je vois la religion, la spiritualité et l’intersection des deux. Cela dit, je ne reste pas dans l’église parce que j’aime ou que je crains Dieu. Je ne reste pas dans l’église parce que je veux faire plaisir à Dieu. Je ne reste pas dans l’église parce que je pense que j’ai un ticket pour le paradis ou une promesse de salut. Je ne reste pas dans l’église parce que j’ai besoin de me prosterner devant Dieu. Je reste dans l’église pour les relations établies et conservées par pure affection. Je reste dans l’église pour des hommes comme Randy Callendar, Frank Sierra, Luis González, Anthony Guillen, Jesse Villegas et Broderick Greer. Je reste dans l’église pour des femmes comme Grace Ahern, Nancy Fraustro, Ariana González-Bonillas, Luisa Bonillas, Bronwyn Clark Skov, Valerie Harris et Christi Cunningham. Je reste dans l’église pour les senteurs de Standing Rock et le frisson de Harte Lawn une nuit de prière. Je reste dans l’église pour la façon dont on voit les étoiles depuis les rocking-chairs de Kanuga. Je reste dans l’église pour les livres de prières hawaïens et Sandra Montes et sa musique. Je reste dans l’église pour les résolutions qui soutiennent la liberté face à l’oppression exercée par l’État. Je reste dans l’église pour l’anecdote qu’Anthony m’a dite le premier soir que j’étais ici, comment les ministères latino sont passés d’une publication de deux pages à la référence absolue en tant que ministère de groupe. Je reste dans l’église parce que la lucha n’est pas finie. Je reste dans l’église parce que nous avons une plateforme pour opérer de véritables changements et pour parler au nom des personnes réduites au silence. Nous avons une voix forte, une voix poétique et aimante qui voit les problèmes du monde et est prête à les combattre. Alors utilisons cette voix prophétique. Amen.

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[Episcopal News Service – General Convention 2018]