Dans la première lecture d’aujourd’hui, le prophète Isaïe imagine un monde dans lequel « même les idiots ne se détourneront pas du droit chemin ». Au cours des dix prochaines minutes je pourrais vous fournir de nombreuses preuves que ce monde est encore loin de nous. Mais j’espère que non.
Ceux qui étudient de près la Bible, probablement la plupart des gens dans cette salle ce soir, risquent d’acquérir une habitude compréhensible mais inutile. C’est le fait que nous pouvons être un peu trop diligents pour notre bien. Mon frère et ma sœur prédicateurs, qui d’entre nous, en prêchant de l’Évangile de ce soir, ne s’est pas fait du mauvais sang au sujet de l’unité de la chrétienté face aux profondes divisions entre chrétiens aux États-Unis ? Étudiants de la Bible : qui d’entre ne s’est pas senti déconcerté par les multiples significations du mot « monde », apparu huit fois en moins de 225 mots dans l’Évangile d’aujourd’hui et plus souvent encore dans le texte d’où il provient ?
C’est un travail important, et que Dieu guide nos efforts, mais vous ne pouvez pas passer tant de temps à approfondir que vous oubliez les bijoux qui sont juste à la surface. Alors, ce soir, j’aimerais vous rappeler un fait incontesté et apprécié : selon cet Évangile, Jésus prie pour nous. Jésus prie pour nous.
C’est là, dans la première partie du verset 20. « Je le demande non seulement au nom de ceux-ci », ce qui signifie ceux qui sont dans la pièce de l’étage supérieur avec lui, « mais aussi au nom de ceux qui croiront en moi par leur parole ».
C’est vous. C’est moi. Ce sont tous ceux qui prient dans nos églises chez nous. Jésus prie pour nous.
Je parlerai de ses prières dans une minute, mais pour le moment, envisageons simplement le fait que le Fils de Dieu prie pour nous. Vous et moi vivons dans une culture qui est avide d’affirmations et consomme beaucoup de calories inutiles en tentant de satisfaire ce besoin. Les lundis motivants, hashtag : Les mardis transformants. On nous exhorte à avoir une meilleure opinion de nous-mêmes en plaçant des affiches sur les murs de l’entreprise et des versets sur les tasses de café. Nous pouvons aller sur Internet et apprendre comment « chasser les discours intérieurs négatifs ». Et, bien que je ne doute pas que ces pratiques puissent être utiles, le fait qu’on nous répète constamment que nous valons quelque chose suggère que nous n’y croyons pas vraiment.
Alors, la prochaine fois que vous ressentirez le besoin de « faire taire votre détracteur intérieur », rappelez-vous que Jésus prie pour vous. C’est une réplique assez robuste.
À présent, puisque nous parlons de l’Évangile et pas d’un manuel d’auto-assistance, je devrais un peu parler de ce que Jésus voulait dire quand il priait pour que « tous soient un ». Être unis est important. J’y viendrai dans une minute.
Mais ce qui me frappe le plus dans ce passage n’est pas seulement ce que dit Jésus, mais la vulnérabilité sérieuse avec laquelle il le dit. Ce ne sont pas les paroles de quelqu’un qui consulte la direction et dit au patron qu’il est temps d’activer la phase suivante du plan de salut divin. C’est quelqu’un qui implore, intercédant en faveur de personnes qu’il aime et, soyons honnête à ce propos, pour lesquelles il a peur. On ne demande pas à Dieu de protéger ceux qui ne sont pas en danger.
Pourquoi Jésus a-t-il peur pour ses disciples et, par extrapolation, pour nous ? Le monde ne nous comprendra pas et nous persécutera. Nous serons vulnérables face au malin. Et, avouons-le, Jésus connaissait ces gens, et il nous connaît. Nous sommes un imbroglio. Pour paraphraser Oscar Wilde, nous pouvons résister à tout, sauf à la tentation. Et quand la tentation de nous faire la guerre les uns aux autres, de chercher à obtenir un avantage, de prévaloir à tous égards nous frappe, l’unité pour laquelle Jésus prie s’en trouve fracturée.
Maintenant, on peut légitimement se demander pourquoi l’unité est si importante. L’église a été divisée en factions pendant des décennies avant que l’évangile de Jean ne soit écrit, comme nous l’apprenons dans la Bible elle-même. Dans l’histoire de la chrétienté, deux différents schismes ont rivalisé pour le titre de Grand Schisme, et si vous consacrez un peu de temps à des recherches sur les questions œcuméniques en ligne, vous apprendrez que chaque camp a des partisans prêts à défendre leurs positions jusque tard dans la nuit. En outre, notre Église bien-aimée est née a) de la Réforme anglaise et b) du colonialisme, dont aucun ne s’est distingué par l’unité ou la charité.
Les chrétiens ont d’importantes dissensions internes. Je ne trouve pas cela scandaleux. Toutefois, les désaccords nous empêchent de collaborer. C’est cela qui est scandaleux.
Pour comprendre pourquoi, il suffit de se tourner vers notre première lecture. Isaïe nous montre une vision d’un Sion racheté où un désert fleurit et des endroits dangereux sont sécurisés. Je pense qu’il est important de noter, en ce qui concerne les actions de Dieu dans le monde, que ce n’est pas seulement l’humanité qui est rachetée dans cette vision, mais la création elle-même. Isaïe dote la création d’émotions. La contrée sauvage et les terres sèches « seront contentes ». Le désert « se réjouira ». Et le peuple de Dieu débordera de desseins.
Alors, comment parvenir du point où nous en sommes à l’autre, de la réalité actuelle à cette magnifique vision ? Nos lectures nous disent que le Seigneur remettra les choses en ordre et viendra avec une « terrible récompense ». Il s’agit là d’une description euphémiste. Le chapitre précédent d’Isaïe décrit des cadavres en décomposition, des montagnes d’où coule le sang et quelque chose sur les reins d’un bélier que je n’aborderai pas ce soir.
Mais point n’est besoin d’approfondir ce que vous pourriez appeler la théorie du changement d’Isaïe pour comprendre que des transformations de cette ampleur n’ont pas lieu sans lutte. Nous savons qu’il faut résister aux puissances et aux principautés de notre temps, qu’un monde plein de fausses valeurs ne va pas disparaître sans l’opposition de gens qui, euh, pour citer Jésus, ont été « envoyés dans le monde » et « sanctifiés dans la vérité ».
Et n’oubliez pas. C’est vous. C’est moi. Ce sont tous ceux qui prient dans nos églises, chez nous.
Et comment réaliser cette tâche que Dieu nous a confiée ? L’auteur de notre lecture de l’Épître aux Éphésiens nous « supplie » d’agir « en toute humilité et douceur, avec patience, en vous supportant les uns les autres dans l’amour, en faisant tous les efforts possibles pour maintenir l’unité de l’Esprit grâce au lien de la paix ».
Je sais pas ce qu’il en est pour vous, mais quand je lutte pour résister aux principautés et aux puissances, je n’agis pas instinctivement avec humilité et douceur. Pourtant, c’est ce que nous sommes appelés à faire. Mais faites attention à une chose : la personne qui donne ce conseil se décrit comme un prisonnier. Une personne qui a fait une chose pour laquelle il a été arrêté.
Dans ce passage, on ne nous demande pas d’être dociles, on ne nous demande pas ou ne nous conseille pas d’éviter les conflits et de ne pas parler de vérités dangereuses. On nous conseille de nous comporter comme nous le faisons quand nous disons la vérité et, c’est peut-être ce qui est le plus important pour ceux d’entre nous réunis ici aujourd’hui, on nous conseille de nous comporter les uns envers les autres de façon à nous rappeler quelles sont nos vérités et comment les exprimer au mieux.
Nos lectures nous donnent une vision. Elles nous donnent une mission. Et elles nous donnent du travail, un travail qui ne peut être exécuté sans l’aide de Dieu et ne sera pas achevé au cours de notre vie. Mais elles nous donnent aussi le plus grand encouragement possible : Jésus prie pour nous.
Amen.
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[Episcopal News Service – General Convention 2018]